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Communiqué de le Fédération française des Maisons des Jeunes et de la Culture :
10 février 2019
« Depuis novembre 2018, le mouvement dit des « gilets jaunes », agite le paysage social et politique de notre pays. La diversité des revendications et des points de vue exprimés révèle un sentiment aujourd’hui très largement partagé, notamment dans les catégories populaires, que la vie quotidienne devient de plus en plus difficile et que la promesse républicaine d’égalité est bafouée.
Les observateurs de la vie politique analysent le soutien important que ce mouvement recueille auprès de la population comme un rejet des conceptions économiques qui orientent les choix politiques en France depuis le milieu des années 80, mais aussi ceux de la construction européenne.
La mobilisation sur les ronds-points et dans les manifestations hebdomadaires révèle une forte aspiration à vivre dignement en étant écouté et entendu. La défiance des manifestants est telle qu’elle se traduit par un rejet global de toutes les institutions politiques et représentatives, remettant en cause la manière dont s’exerce aujourd’hui la souveraineté populaire. Elle se conjugue avec une aspiration forte d’intervenir sur les choix politiques sans pour autant se donner les moyens de structurer le mouvement pour proposer une alternative dans un cadre démocratique.
En réponse à ce mouvement social, le gouvernement – tout en affirmant qu’il maintiendrait le cap de son action en vertu du mandat que lui ont donné les électeurs en 2017 – a annoncé un certain nombre de mesures visant à améliorer le pouvoir d’achat des plus modestes, ne répondant qu’en partie aux revendications qui continuent à s’exprimer dans les manifestations ou sur les réseaux sociaux. Pour répondre à ces autres revendications, le Président de la République a décidé d’organiser un « Grand Débat National » qui doit permettre «… à toutes et tous de débattre de questions essentielles pour les Français…».
Associations d’éducation populaire où s’expérimentent la prise de parole dans l’espace public et la prise de responsabilité, les MJC sont des lieux d’émancipation permettant à chacun de se construire comme citoyen, en se forgeant son point de vue sur le fonctionnement de la société, en expérimentant la délibération démocratique, en développant sa puissance d’agir.
Depuis plusieurs années, les MJC n’ont pas manqué d’alerter leurs partenaires sur la précarisation des conditions d’existence des populations qui n’épargne pas la jeunesse. La Fédération Française des MJC (FFMJC) dans les rapports moraux de ses assemblées générales, a dressé maintes fois le constat de l’accroissement inéluctable des inégalités sociales, économiques et culturelles. Parce qu’elles sont quotidiennement confrontées aux conséquences sur leurs territoires, les MJC ont observé la panne de « l’ascenseur social » qui donnait l’espoir d’une vie meilleure pour ses enfants, les abstentions qui progressaient, le délitement des services publics dans les quartiers ou en zones rurales, la perte de pouvoir d’achat, la perte de sens dans son travail, la violence des plans sociaux, une exclusion des plus précaires, l’étalage des inégalités fiscales sous couvert « d’optimisation », la corruption de certains dirigeants politiques, etc. Autant de dégradations qui ont engendré, dans une large proportion de la population, une perte de confiance dans la capacité du politique à apporter des solutions concrètes aux injustices sociales et territoriales malgré les alternances.
La FFMJC n’a jamais manqué d’alerter ses partenaires sur les dangers que pouvait revêtir cette absence d’horizon, d’espoir partagé, s’agissant notamment de la montée des idées d’extrême-droite, de rejet et de xénophobie, s’agissant aussi des phénomènes de radicalisation dans des croyances extrémistes qui, s’ils tirent argument de la géopolitique mondiale, trouvent aussi leur racine et leur terreau dans ce contexte.
Et « en même temps », les MJC subissent la réduction des soutiens publics, les associations servent trop souvent de variable d’ajustement des budgets des collectivités locales, elles-mêmes confrontées à la contraction de leurs ressources par l’Etat. Devant faire face depuis plusieurs années à cette situation, les MJC, leurs administrateurs et leurs professionnels, n’ont jamais baissé les bras. Cependant, leur militantisme ne peut pallier durablement le désengagement des pouvoirs publics.
Comment alors affirmer aujourd’hui la République, ses valeurs d’égalité, de liberté et de fraternité ? Comment faire société sans prendre avec attention et considération les attentes qui s’expriment dans la société avec colère par les « gilets jaunes » ? Rétablir la confiance suppose d’entendre et de prendre en compte dans des décisions, des actes concrets, les aspirations et revendications, y compris celles remettant en cause les priorités actuelles des politiques économique et sociale pour plus d’égalité, de solidarité et de protection de l’environnement.
Plus que jamais la FFMJC se réclame des convictions du Conseil National de la Résistance : un monde de paix fondé sur la reconnaissance des droits humains, implique de conjuguer le progrès social, le progrès économique, le progrès éducatif et culturel, qui sont la base de la citoyenneté active, le fondement de la République.
Les fédérations de MJC et les MJC, en leur qualité de corps intermédiaires, ont été appelées à se mobiliser dans le cadre du Grand Débat National. Si nous regrettons de ne pas avoir été associés à la conception de ce débat, nous ne pouvons qu’espérer que cet appel annonce une réelle écoute, un dialogue constructif entre acteurs et pouvoirs publics.
Nous exprimons notre déception tant sur les thématiques abordées qui ne prennent pas en compte des sujets comme la jeunesse ou la culture, que sur la méthode proposée qui dénature les conditions d’un débat à la hauteur des enjeux du mouvement social actuel.
La FFMJC encourage les MJC qui le souhaitent, à organiser (ou à soutenir des initiatives) de véritables débats républicains, sans censure des sujets proposés par les participants, dans la mesure où ces sujets respectent les valeurs républicaines, le droit et les personnes dans leurs différences d’opinion. Bien au-delà de l’échéance fixée pour les conclusions du Grand Débat National, la FFMJC entend fédérer ces contributions citoyennes pour enrichir les réflexions de nos projets d’éducation populaire.
Enfin, nous considérons que, face aux attentes fortes qui s’expriment, un Grand Débat National qui demeurerait sans réponse concrète – ou son dévoiement à des fins politiciennes – serait désastreux pour la cohésion de notre pays, pour la République, voire pour la démocratie elle-même. »
Le Conseil d’Administration, les administrateurs et les professionnels des MJC
réunis en Séminaire des régions, le 10 février 2019
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