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11 juillet 2023
« Nul ne peut se résoudre à la mort tragique et inacceptable d’un adolescent tué de la main d’un représentant des forces de l’ordre, ni à la spirale de violences et de destructions qui s’en est suivi. Le retour à un calme apparent, sous l’effet d’un dispositif uniquement sécuritaire, ne saurait conduire à accepter les outrances actuelles du débat public et la mise en accusation d’une partie des jeunesses. Au contraire, il est impératif de formuler une analyse partagée et de coconstruire des réponses collectives et ambitieuses.
Ce qui s’est passé est indéniablement complexe, mélange de révoltes sincères et de demandes de justice, mais également d’opportunismes et de récupérations, notamment de la part des droites extrêmes ou des systèmes délinquants, qui brouillent la lecture lucide que nous devons aux jeunesses et aux territoires ainsi mis en cause dans le débat public.
Cette séquence est hélas révélatrice des fractures profondes et anciennes qui traversent notre société : c’est un nouveau symptôme de la profonde rupture d’égalité qui sépare les jeunesses, les territoires et les milieux sociaux : inégalités d’accès à l’éducation, à l’engagement, aux loisirs, au logement, à la mobilité, à l’emploi, à la santé, à la sûreté, à la justice…Inégalités amplifiées par la paupérisation l’absence de mixité, la ségrégation résidentielle ou encore la persistance inacceptable des discriminations et du racisme. Avec trop souvent pour conséquence un sentiment légitime d’injustice et de relégation, et une défiance croissante à l’endroit de tous les représentants de notre république sociale et démocratique, bien en peine de tenir ses promesses.
Les causes en sont hélas en grande partie connues : retrait des services publics de trop de nos territoires, qu’ils soient métropolitains et ultramarins ; affaiblissement parallèle de l’indispensable tissu associatif faute de soutien public ; effets limités de politiques publiques du fait de saupoudrage ou de renoncement, notamment dans le champ de la politique de la ville mais aussi dans les zones rurales ou en déprise ; tensions exacerbées jeunesse – police -justice.
II serait inacceptable de ne pas considérer cette réalité en face, et de chercher encore une fois les responsabilités uniquement du côté d’une supposée « démission des parents », d’un soi-disant « ensauvagement » inexplicable de la jeunesse, ou dans les nouvelles possibilités et risques de l’espace public numérique.
Dès maintenant, la réponse se doit d’être à la hauteur et collective, en donnant la place aux jeunes et habitant.e.s des quartiers populaires pour exprimer leurs besoins et attentes, sans oublier qu’ils sont aussi les victimes de cette semaine éprouvante.
Comme lors de chaque crise, l’éducation populaire a répondu présent, et ce malgré les destructions qui ont affecté nombre de nos structures de proximité dans ces territoires, et durement éprouvé nos militants, salariés, bénévoles et volontaires.
Elle répond présent pour chercher les voies du dialogue pour organiser la coopération et la solidarité entre acteurs face aux traumatismes et aux destructions, pour pouvoir encore répondre présent cet été et offrir aux jeunes l’accès à une éducation émancipatrice, aux loisirs, à la mobilité et aux vacances auxquelles toutes les jeunesses devraient avoir droit. Parce que c’est notre devoir d’éducateurs.trices et de citoyens.nes.
Elle répond présent parce qu’elle est solidaire de la société civile, de l’Etat de droit et des collectivités locales. Elle aura cependant besoin d’un plus fort soutien de tous les pouvoirs publics pour continuer à assurer à leurs côtés sur le long terme son indispensable mission de cohésion sociale et d’émancipation au service de la paix civile, de la solidarité et de la démocratie.
L’Etat ne règlera pas la crise actuelle par la seule réponse sécuritaire ! Un avenir commun ne s’inventera pas sans la reconnaissance de la contribution des associations et de l’éducation populaire. »
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