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Le département de Meurthe-et-Moselle a lancé le 26 septembre l’expérimentation Territoires zéro non-recours afin de favoriser l’accès aux droits sociaux sur son territoire. ATD Quart Monde est partenaire de ce projet pour participer à des co-formations des travailleurs sociaux et des habitants.
« Ce n’est pas un nouveau dispositif, mais une autre façon de travailler qui va bousculer les partenaires, les travailleurs sociaux et les équipes, qui auront besoin de se former, avec cette logique de l’aller-vers », affirme la présidente du conseil départemental, Chaynesse Khirouni, lors du lancement de l’expérimentation Territoires zéro non-recours, mardi 26 septembre 2023. Pour cela, « l’expertise d’ATD Quart Monde va permettre de réinterroger nos pratiques et nos façons de faire », précise-t-elle. Son département fait partie des 39 lauréats de l’appel à projets lancé par le ministère des Solidarités.
D’une durée de trois ans, l’expérimentation sera suivie par un comité d’évaluation, présidé par Nicolas Duvoux, sociologue et président du conseil scientifique du Conseil national de lutte contre les exclusions (CNLE), et bénéficie d’un budget de 18 millions d’euros pour l’ensemble des territoires sélectionnés. L’objectif est de travailler à une meilleure identification des personnes qui ne font pas valoir leurs droits sociaux, à la manière de les informer et de les accompagner de manière plus efficace.
Le non-recours est en effet un phénomène massif qui concerne sur le territoire national plus de 1,5 million de personnes. Le taux de non-recours au RSA est ainsi estimé à 35 % ; il est de 50 % pour le minimum vieillesse ou encore de 32 % pour la complémentaire santé, rappelle le conseil départemental de Meurthe-et-Moselle. « L’idée est d’aller chercher les personnes là où elles ont l’habitude d’être et de sortir de nos façons de faire. Cela peut passer par du porte-à-porte, dans des épiceries solidaires, sur des marchés, à la sortie des écoles… Il s’agit de se mettre à la place de celles et ceux qui sont concernés par nos politiques publiques et qui ont besoin d’être remis au centre de nos politiques publiques, de leur redonner leur capacité d’agir, de faire des choix, de décider par elle-même« , ajoute la présidente du conseil départemental.
Elle constate en effet que de nombreux outils existent déjà, comme les Maisons de solidarité. « Pourtant, malgré cette proximité et l’engagement des équipes, on perd une partie des personnes. Cela veut bien dire qu’il y a quelque chose à bousculer. On a l’habitude de méthodes très cadrées, chiffrées, parfois enfermantes. C’est important de réinterroger nos pratiques en écoutant et en permettant ce pouvoir d’agir« , explique-t-elle.
Une quarantaine de travailleurs sociaux du conseil départemental pourront être formés d’ici la fin de l’année, notamment par l’intermédiaire de co-formations animées par ATD Quart Monde, avec des personnes en situations de pauvreté. « Nous n’arriverons à avancer que si la notion du temps, avec un t majuscule, est prise en compte. Il faut vraiment prendre le temps d’aller rencontrer ceux qui sont le plus loin des droits, prendre le temps pour les professionnels et pour les habitants de reconnaître l’autre comme capable de penser et d’écouter. Nous devons imaginer d’autres possibles pour aller rencontrer des personnes qui sont dans le non-recours, aller chercher ceux qui sont les plus oubliés, qui manquent encore à la participation de notre société », affirme la présidente d’ATD Quart Monde, Marie-Aleth Grard.
Face aux maires des cinq quartiers choisis pour se lancer dans l’expérimentation, elle rappelle la difficulté « invraisemblable » de remplir un dossier de demande de RSA. « Quand on est en grande difficulté, on se cache, on s’isole. Ce n’est pas simple de dire qu’on n’est pas en capacité de remplir tel ou tel dossier. L’expérimentation permettra aussi de comprendre pourquoi ces personnes sont dans le non-recours. Je suis ravie que nous posions cette question, avec les travailleurs sociaux et avec les habitants, pour comprendre », ajoute-t-elle.
Le périmètre choisi est situé sur les communes de Nancy, Essey-lès-Nancy, Malzéville, Maxéville et Saint-Max, ce qui représente près de 40 000 habitants et 3 000 allocataires du RSA. « L’articulation entre les associations, le département, les villes et la métropole doit nous permettre d’aller vers tous ceux qui sont hors des radars. Donner une réponse commune, homogène sur un territoire, c’est aussi simplifier le chemin d’accès aux services publics », souligne Mathieu Klein, président de la métropole du Grand Nancy, qui estime que « le non-recours est une entaille au pacte républicain ». Les quartiers bénéficiant de l’expérimentation « sont moins en première ligne que d’autres, la pauvreté y est parfois plus diffuse et il y a parfois moins d’associations, d’institutions, de structures visibles. Cela va permettre de toucher des publics qui sont parfois dans des angles morts de nos institutions », détaille-t-il.
Le travail partenarial a été mis en pratique dès cette journée de lancement de l’expérimentation, avec une réflexion en groupes de pairs autour de la question du non-recours, de ses raisons et des solutions à envisager. Pour les habitants et les personnes concernées, « la peur » a été citée à de nombreuses reprises : peur de faire des erreurs, d’être jugé, stigmatisé, de devoir rembourser suite à une erreur, la peur « d’être vu comme quelqu’un qui vit au crochet de la société, qui demande l’aumône ». Ils ont également mis en avant « la honte » et « l’ignorance des droits » et ont proposé notamment de « changer les règles pour que le droit s’applique d’office » et de « faire connaître les différents types d’accompagnement possible pour avoir la possibilité de choisir ».
Le groupe des professionnels a pour sa part cité « les problèmes d’accessibilité », qu’ils soient géographiques, liés à la langue, à la maladie ou à l’isolement, mais aussi « la complexité » en raison de la dématérialisation et de la multiplicité des dispositifs. Leurs préconisations passent par « un déblocage automatique des droits », « une simplification administrative, une amélioration de la lisibilité de l’information et de la qualité de l’écoute » ou encore « éviter le 100 % numérique ». Tous ont également réfléchi au nom qu’ils souhaitent donner à cette expérimentation, estimant que la notion de « non-recours » n’était pas très claire. Des propositions ont ainsi été lancées, telles que « Cap sur mes droits », « Objectif accès aux droits », « 100 % droits » ou encore « Développer le pouvoir d’agir ».
Tous les acteurs ont démontré leur volonté de travailler ensemble au-delà des limites administratives et d’être « inventifs », comme le souligne le maire de Maxeville, Christophe Choserot, qui espère tirer des enseignements de cette expérimentation en 2025 « pour pouvoir ensuite l’appliquer sur l’ensemble du territoire national ».
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